Etre à la place de la « victime » Guillaume détestait. Oui, il l’avait sans doute déjà dit, répété – la pédagogie est à base de répétition. L’enquêteur lui avait demandé de dresser la liste de tous ceux qui pouvaient lui en vouloir. Il avait failli l’envoyer paître, « dressez-la vous même ». Impulsion. Puis, il s’était dit qu’il avait déjà posé lui même la question, quand il était lui-même enquêteur, et non instructeur. Il se souvenait de ce chef d’orchestre, qui lui avait dressé une liste très minutieuse de tous ceux qui pour un oui, un non, une broutille, pouvait lui en vouloir. Au final, il n’avait été qu’une victime collatérale visant le premier violon.
Il faudrait dresser une liste absolument délirante, pour chacune de ses enquêtes.
Mais le lieutenant Daguerre avait eu une idée encore plus délirante.
Voici cinq ans, l’ex- compagne de Guillaume avait été assassiné, et il avait été très vite mis hors de cause. Après tout, lui et Mathilde n’avaient vécu que dix mois ensemble, et si elle ne lui avait pas menti, si elle n’avait pas fait en sorte de tomber enceinte, de lui cacher sa grossesse et de se présenter chez lui, avec Victoria agée de deux mois dans les bras, et bien il n’aurait pas une fille de huit ans. Surtout, il n’aurait eu aucun lien avec Mathilde.
Et le charmant lieutenant Daguerre ne penserait pas que ce meurtre et l’agression qui avait failli lui coûter la vie étaient liés.
Le meurtre de Mathilde n’avait toujours pas été élucidé.
Toutes les pistes s’étaient refermées.
Alors il invita Guillaume à se souvenir de ses dix mois – comme si, cinq ans plus tard, quelqu’un l’avait guetté devant chez lui, suivi en forêt, et lui avait tiré dessus !
Sauf que quelqu’un l’avait bien suivi, on chasse rarement avec un Beretta, non ?