Cela devait arriver.
Un panneau a été apposé par le maire de Sacaille lui-même sur la mairie toute-neuve-après-une-rénovation-qui-a-coûté-la-peau-des-fesses-au-point-qu’on-a-tous-du-mal-à-s’asseoir : « maire en vacances. Conseillers municipaux aussi. Ne déranger qu’en cas d’extrême urgence. »
Non, parce que là, le maire a dépassé la dose prescrite.
Déjà, il estime que la police n’a plus besoin de lui pour enquêter.
Ensuite, il a interdit à tout le monde de promener ses chiens avant six heures du matin et après vingt-et-une heures – pour éviter que quelqu’un tombe encore sur un cadavre en dehors des heures ouvrables (lire pour cela toutes les malheureuses aventures du maire de Sacaille). Non, il n’a pas pris un arrêté municipal, il a juste dit qu’il en avait « plein le dos » et qu’il « préférait encore dîner tous les jours avec son beau-frère vegan qui lui fait la gueule tous les soirs plutôt que de devoir déposer à nouveau devant la police pour expliquer pourquoi son cher adjoint l’avait appelé lui plutôt que la police ».
Non, ce qui a mis le feu aux poudres, ce qui a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est l’appel du châtelain. Oui, parce que Sacaille, en plus d’avoir une villa (la mairie actuelle), un ancien tribunal de canton (maison acquise par le maire, et rénové par ses soins bien avant qu’il ne devienne maire), on avait aussi un château du XVIe siècle, agrandi au XVIIe dont, n’ayons pas peur des mots, le maire se foutait comme de sa première cravate, puisque le sus-dit château avait un propriétaire et que celui-ci lui foutait une paix royale. Par contre, Jean-Robert, en amoureux des vieilles pierres et de l’histoire locale, adorait le châtelain.
– Il y a une brèche dans le mur d’enceinte.
– Eh bien, qu’il appelle un maçon, je n’y connais rien.
– Non, ce n’est pas cela ! Il se trouve que l’enduit qui recouvrait les pierres originelles a chu, dévoilant ainsi ce que je présumais, la présence d’une porte dans le mur d’enceinte !
Monsieur le maire baîlla. Bon, une deuxième porte dans le mur d’enceinte, formidable. Et ? Il n’aurait pas dû dire ce « et ».
– C’est une porte de communication avec le terrain qui jouxte le vôtre, vous savez, cet herbage qui appartenait jadis à la prévôté et que vous avez racheté récemment. Cela prouve bien…
– Cela prouve bien ?
– Le lien entre le château et votre demeure. Si l’on cherche bien, je suis certain que l’on trouvera dans vos caves respectives, ou dans la cave d’un bâtiment, un souterrain reliant les deux demeures.
L’enthousiasme, c’est bien. Le fait de ne plus entendre des élucubrations historiques, c’est mieux encore. Aussi, monsieur le maire décida de prendre des vacances pendant huit jours.