Les mots à placer étaient : Douceur, printemps, déserter, sommeil, chaleur, renaissance, air, bernard-l’hermite, édredon, paresse, plume, aile, volupté, insouciance, liberté, vaporeux, virevolter, cigogne, nuisette, ubac, univers, urgence.
– Non, n’insistez pas, c’est inutile, je ne rangerai pas ! Oui, j’ai déchiré l’édredon, oui, il y a des plumes partout, et alors ? J’ai aussi renversé la bibliothèque, envoyé virevolter dans les airs le contenu de ma penderie, rendu leur liberté à l’impressionnante collection de timbres qui dormait dans les classeurs. Et alors ? C’est mon nettoyage de printemps à moi !
Ah, non, ne me parlez pas de ma sœur jumelle, de sa douceur, de sa gentillesse, de sa chaleur « humaine » et gna gna gni, et gna gna gna. Je voudrai bien connaître la cigogne qui nous a apportés tous les deux, je lui mettrai volontiers du plomb dans l’aile pour qu’elle ramène Caroline hors de mon univers. Mis à part se mettre du vernis à ongle en nuisette, battre des cils devant les garçons, manger avec volupté des glaces à la vanille et se promener avec insouciance dans les bois, elle ne sert à rien !
Fini d’être dans ma coquille, je ne suis pas un bernard-l’hermite. C’est l’heure de ma renaissance !
– Tais-toi !!!!!!!!!!! Ma sœur me jeta avec chaleur le dernier roman de Claire Ubac à la figure. Je ne réussis pas à esquiver et me retrouvai par terre, dans un nuage vaporeux d’où surgissaient des cloches de Pâques carillonnantes et des petits moutons bêlants. Nanie s’activa autour de moi, jusqu’à ce que je parvienne à me tenir debout
– Elle n’est plus en sommeil, ta crise d’adolescence ? Magnifique ! Par contre, ta paresse, elle n’a pas déserté ! reprit ma soeur. Tu vas me chercher en urgence de quoi nettoyer tout ça, je te rappelle que nous partageons cette chambre, parce que « il ne faut pas séparer des louveteaux garous » et que je ne veux pas dormir dans un taudis pareil !
Nanie partit téléphoner à nos parents pour leur dire que « ça y est, monsieur Eric est un vrai garou ! » – avoir l’ouïe fine, c’est pratique.
– Tu as été très convaincant, me souffla ma jumelle, je te félicite.
– Merci. Demain soir, on profite de l’euphorie généré par ma crise, et on leur annonce que je suis gay, et toi aussi.
– Cela fera causer dans les clairières !
