Avec le retour d’une certaine normalité (même si certains nous demandent à nouveau de porter le masque), c’est le retour des salons du livre, et je dois dire que la tentation est grande non de raconter mon salon, mais de raconter… le salon du grand écrivain.
Son éditeur était fou de joie. Illustre (surnom affectueux d’Alexandre Lebrun) acceptait de rester deux jours entiers à un salon du livre. Pour un peu, il croirait aux miracles.
– Si miracle il y a, dit Illustre, j’arriverai à vendre des livres et même à les dédicacer. J’ai prévu un stock de quatre bics, si ce n’est pas de l’optimisme !
– Allons, grogna Perceval, ne me faites pas croire que vous n’avez pas des fans.
– Si, peut-être. C’est tout de même hautement présomptueux de ma part d’imaginer que des personnes feraient exprès le déplacement pour me voir. Non, je crois que des personnes viendront pour voir d’autres auteurs et que, par hasard, ils tomberont sur moi. Alors, ils se diront peut-être : « tiens, si je découvrais cet écrivain habillé sobrement ». Ma seule difficulté est que je ne pense pas tenir assis sur une chaise plus de deux heures de suite. Je pense m’éclipser de temps en temps – moi aussi, je veux des dédicaces.
Son éditeur était tellement fou de joie qu’il réussit à lui « caser » une interview au cours du salon.
– Il est fou tout court, répondit Illustre. Qui a envie de m’écouter ? Allez, une dizaine de personnes ? Même moi, je ne suis pas sûr que j’aurai envie de m’écouter moi-même. Om trouvez-vous l’inspiration ? Que pensez-vous de l’adaptation cinématographique de votre livre ? D’autres adaptations sont-elles en court ? Où en est votre projet de romans policiers ? Le tout est que je ne m’endorme pas bêtement pendant l’interview, ce serait ballot, comme disaient les jeunes il y a quelques années. Heureusement que je ne suis pas un auteur qui écrit sur les adolescents, je serai complètement largué.
– Dans quelques années, quand vos petits enfants auront grandi…
– Ils ont deux et cinq ans, j’ai encore le temps, à moins qu’ils ne fassent une crise d’adolescence précoce.
– Je vais être arrière-grand-père dans sept mois.
– Félicitations ! J’en déduis que Lavinia va être grand-mère.
– Bonne déduction. Hyppolite (ex-mari de Lavinia) a bien dit qu’il ne fallait pas compter sur lui, qu’il n’avait pas envie d’être grand-père. Sa future ex-femme (oui, sa seconde femme a fini par demander le divorce) lui a dit qu’il était irrécupérable. Gentiane lui a dit qu’à son âge, elle n’avait pas besoin de son approbation, elle l’avait simplement informé. Qu’il ne vienne pas se plaindre après de ne pas connaître ses petits enfants. Il m’a téléphoné. Je lui ai dit que mes oreilles étaient sourdes à ses jérémiades. Ah, et il n’aime pas le métier de Gentiane.
– Elle n’est plus oenologue ?
– Ah si, toujours. Hippolyte est contre toute forme d’alcool, contre le vin, contre les vignes, contre pleins de choses. Il est épuisant.