Voici, en exclusivité, le compte-rendu du conseil municipal de Sacaille (23 avril 2021).
– On ne filme pas le conseil municipal ! Qui a eu une idée pareille ? Une fonction pédagogique ? Non mais je rêve ! Pédagogique pour qui ? Qui veut être maire de Sacaille à ma place ? Non, parce que, franchement, je cède ma place immédiatement !
(Brouhaha duquel émergent des « non, non, monsieur le maire, surtout pas ».)
– Passons aux points du jour. Le vote du budget. Sachant que dans les caisses, nous n’avons pas grand chose, nous ne pouvons donc dépenser pas grand chose.
(soupir de l’assemblée. Comme si les caisses de Sacaille avaient un jour été débordantes d’argent sonnant et trébuchant).
– Nous avons un courrier de madame la directrice de l’école maternelle qui nous demande quand nous allons repeindre la salle de classe de moyenne section parce que, selon elle, la couleur n’est pas suffisamment apaisante pour elle. Je lui répondrai que l’école a été repeinte entièrement l’an dernier, que tout est au norme, et que je n’y peux pas grand chose si la couleur ne lui convient pas. J’ajoute qu’elle n’a qu’à venir dans mon établissement scolaire, niveau apaisement coloré, on en est loin.
– Nous avons un courrier de madame T*** qui veut savoir ce que, concrètement, nous comptons faire contre l’insécurité à Sacaille.
(Choeur des conseillers : l’insécurité ?)
– Pour ceux qui ont oublié, quelqu’un a eu la bonne idée de déposer un cadavre dans la mare communale à moitié à sec.
– Mais il n’a pas été tué à Sacaille, précisa doctement le premier adjoint au maire (Jean-Robert pour les intimes).
– Je crois que cela ne change rien pour nos administrés. Quatre familles ont mis en vente leur maison après l’affaire.
– Mais pas madame B *** qui vit pourtant juste en face du lieu où le corps a été déposé.
– Oui, aucun des voisins immédiat n’a mis en vente. Ce sont des sacaillais de longue date.
– Ou des personnes censés, qui se disent que le corps a été déposé dans un lieu public, et non sur une parcelle privée.
(La séance fut interrompue à la suite du malaise du premier adjoint au maire. Celui-ci venait de réaliser qu’il avait déjà découvert le corps en promenant son chien, ce qui restait une expérience qu’il ne souhaitait à personne. En plus, quelqu’un aurait pu mettre le corps chez lui, ou pire, chez le maire qui, après tout, n’était séparé de la mare que la maison de Jean-Robert, son fidèle adjoint.)
Reprise de la séance.
– L’éclairage public. Certains veulent que le village soit éclairé toute la nuit, pour se sentir plus en sécurité.
– Et la pollution lumineuse ?
– Et la facture ?
– Je suggère que l’on répare déjà les lampadaires en panne.
– Moi aussi, et après nous ferons un sondage auprès de nos administrés. D’après ma soeur, précisa le maire, beaucoup souhaitent véritablement que la commune reste allumée toute la nuit.
– Beaucoup de courrier de satisfaction depuis l’installation du distributeur de pains, et aussi de celui de légumes du coin.
– Nous pouvons remercier pour celui-ci monsieur A***, agriculteur depuis deux générations sur la commune et éleveur de yorkshire à s es heures perdues…
Sur ces mots, la séance fut levée.