
Au beau milieu de la nuit, Percy s’était réveillé en sursaut : il avait rêvé que le mariage d’Elinor n’avait pas encore eu lieu ! Il alluma sa lampe de chevet, à tâtons, et relut la carte que les jeunes mariés lui avaient envoyée d’Italie. Rome était magnifique, Venise aussi, Florence itou. Ils étaient très heureux et lui souhaitaient de se reposer, de prendre bien soin de lui. Les parents de James avaient aussi reçu une carte, dans laquelle James enjoignait son père « de ne plus se mettre la rate au court-bouillon ». Baruch avait pris de longues vacances. Dans son bureau. Avec cabinet de toilettes, réfrigérateur et plaque chauffante. Interdiction de le déranger pendant au moins huit jours, sauf urgence. Véronique de Vaudreuilly s’était aussi retirée dans ses appartements, après avoir soigneusement rangé tout le château, et s’être dit, soulagée, que le prochain mariage n’aurait pas lieu avant vingt ans, au moins – à la condition expresse que le fils de Marie-Amélie veuille se marier dans l’Orangerie du château.
Percy avait trouvé un moyen infaillible de se remonter le moral : il regardait un jeu dans lequel des chambres d’hôte étaient en concurrence. Il se réjouissait d’avoir moins de soucis avec ses écrivains en résidence et ses vampires – en alternance. Les écrivains écrivaient, mangeaient, dormaient, allaient se ressourcer dans la lande. Distraction interdite ! Ps de télévision ! Connexion internet minimale, juste pour envoyer le texte et faire de courtes recherches.
Les vampires étaient encore plus simples. Tant qu’ils avaient un congélateur pour stocker la « nourriture », tout allait bien. Le lit ? Rares étaient ceux qui y dormaient. Célia et Rufus appréciaient les fauteuils, Célia par goût, Rufus parce qu’il aimait la regarder dormir, Simon se couchait sur la descente de lit, Benedict préférait le sommet de l’armoire, Jaimie avait viré le contenu du tiroir d’une commode. Seul Tom dormait sur un lit, Jonathan et Russel dormaient rarement – des siècles de traque ne facilitaient pas l’assoupissement.
Les toilettes ? Pour quoi faire ?
Le ménage à fond ? Qui n’a jamais dormi dans une crypte ou dans le grenier d’une maison abandonnée n’a qu’une vague idée de ce que le mot « saleté » signifie. Rares étaient les vampires qui souffraient d’allergie. Quant à prendre un bain… Vous imaginez Dracula en train de prendre un bain ?
– D ans un bouquin contemporain, un des vampires prend un bain avec une tueuse de vampires…
– Je ne lis pas ce genre de livres ! Qui influence les auteurs ? Avez-vous lu l’évolution des vampires dans la littérature ? Avant, on les fuyait, on les évitait, on les neutralisait. Maintenant, on en fait nos copains, nos petits amis, nos maris et femmes, parfois ! On a très envie de les convier à prendre le thé, enfin si tant est qu’ils boivent du thé, bien sûr.
– Nous ne nous en mêlons pas ! dit Simon, en tout cas, pas nous. Disons qu’au XIXe siècle, le but était d’écarter le commun des mortels des vampires, maintenant, on tente un rapprochement, semble-t-il. Si la communauté vampirique souhaite sortir du placard, j’espère qu’elle attendra un peu.
