Ecrire une biographie de quelqu’un de « pas très connu », ce n’est pas forcément facile.
Mais Géraud de Santeuil est quelqu’un de méthodique.
Il a épluché soigneusement l’état civil.
Il a ainsi découvert que François Flandrin, grand-père de Jules, s’était marié à cinquante ans. Tardif, non ? Surtout qu’il n’était pas veuf d’une première union.
– Percy, l’un de mes ancêtres aussi s’est marié à cinquante ans, mais c’était sa troisième union.
De cette union naquit Paul, et deux filles, Luce et Louise – cette dernière devint religieuse, tout comme Françoise, la soeur du premier Jules Flandrin.
– Savez-vous que la famille Nanterry de Chenoncelle compte fort peu de religieuse ? Aucune pour tout le XIXe siècle ! Une seule pour le XVIIIe.
– Une famille très croyante, commenta Percy.
– J’aimerai savoir pourquoi il s’est marié si tardivement. Il se serait marié à trente-cinq ans, à quarante ans, je me serai dit que cela était fort possible. Mais cinquante ! Je serai romancier, je pourrai inventer une histoire d’amour contrarié, une histoire d’amour tragique, ou même les deux, l’imagination n’a pas de limites. En tant que biographe, j’ai envie de chercher des traces de fiançailles rompues, même si ce n’est pas facile.
– Et sa femme ?
– Elle était veuve depuis trois ans et était âgée de vingt-huit ans. Je cherche un lien entre elle, son mari, et les Flandrin. Je reste persuadé que quelqu’un a joué les rôles d’entremetteur entre Eléonore Jacquet, veuve d’Etienne Jacquet et mère de deux enfants, de douze et dix ans. Oui, elle avait été mariée très jeune, à quinze ans, mon esprit non-romanesque peine à croire que l’on puisse se marier si jeune de gaieté de coeur, à moins de subir une famille abominable, ou indifférente. J’ai noté aussi que madame Flandrin mère était présente au mariage de son fils, elle était âgée de 74 ans.
Percy le félicita pour tant de minutie, Géraud lui répondit que c’était la moindre des choses;
Il lut aussi attentivement tous les actes notariés qu’il put trouver. Le moins qu’il puisse dire est que les Flandrin ne chômaient pas. Et pourtant, ils n’avaient pas le monopole, deux autres études existaient dans la même ville, qui n’était pourtant pas si grande.
– Oui, mais c’est une sous-préfecture, ceci explique peut-être cela.
Il compulsa aussi frénétiquement les journaux, découvrant fort peu de choses sur la famille, qui se voulait… discrète ? Peut-être. Une dynastie, en tout cas, puisque dès 1695, il trouva la trace d’un Flandrin exerçant la profession de notaire.
– Ce doit être tout de même fort triste d’exercer le même métier depuis des générations. De ne pas avoir le choix.
– Mouais, grogna Percy. Je ne suis pas sûr qu’à l’époque, la question se posait. On obéissait, point. Et vous Géraud, comment vos parents prennent-ils le fait que vous soyez biographe ?
– Je suis avant tout historien de formation, métier où l’on crève traditionnellement de faim, à moins d’être médiatisé. Quitte à crever de faim, autant se spécialiser dans quelque chose que l’on apprécie. J’ai l’habitude aussi de vivre de manière relativement simple. Faire des recherches dans les archives, surtout si elles sont en ligne, ne nécessite qu’un bon ordinateur et une bonne connexion internet, je fais beaucoup d’économies !