Les jours ne sont pas faciles – forcément. Mais aujourd’hui, j’ai voulu écrire – quand même.
Le grand écrivain et Perceval ont décidé – enfin, surtout le grand écrivain – de se lancer sur les traces des personnages et des lieux de son roman. Donc acte. Autant dire que rencontrer l’un d’entre eux, bien vivant, et de dormir dans les « lieux du roman » transformés en chambre d’hôte ne rend pas nécessairement serein.
– J’aimerai voir la maison vendue par votre ami. Je suppose qu’elle est au bord de l’eau ?
– Pas tout à fait, elle est dans la rue adjacente – autant vous dire que quand Louis s’est réveillé et a constaté qu’il avait les pieds dans l’eau, il s’est tout de suite juré de fiche le camp, et les paroles rassurantes des élus n’y ont rien fait ! Tenez, c’est cette maison aux volets blancs, là-bas.
– Ah, oui, je comprends mieux qu’il ait été effrayé. Oh, quelqu’un vous appelle sur votre portable ?
– Non, dit Percy en le portant pourtant à l’oreille. Je bénis cette invention qui me permet de parler presque naturellement aux fantômes qui m’entourent, ou de garder une contenance quand je vois quelque chose qui ne devrait pas être. Nous sommes suivis, mon cher Illustre. Ne vous retournez pas, mais Guillaume vient d’apparaître derrière nous. Regardez : comme par miracle, se dresse devant nous un plan de la campagne alentours et de ses circuits de randonnée.
Illustre se tourna illico vers le plan, tandis que Percy, et bien, indiquait chaque circuit.
– Nous allons prendre celui-là, il me paraît le plus facile pour commencer, et en plus, il passe à côté du cimetière de la ville.
– On ne peut quand même pas nous y rendre ? Et s’il nous posait des questions ?
– Je déteste rendre des comptes. Nous sommes sensés être ici en vacances, nous reposer. Visiter un cimetière peut être apaisant.
– Je ne suis pas de votre avis. Les pauvres ! Avoir perdu tant d’enfants en bas âge. Mais, Percy, pourquoi nous être rendu devant cette tombe en particulier ? Certes, les parents sont morts en 1940, mais…
– Depuis quand les victimes sont devenus les coupables ? C’est une phrase qui me trotte dans la tête depuis que nous avons fait cette pause devant le fleuve. Depuis quand ? Vous êtes partis du principe qu’il y avait une cause face au déchaînement de violence subi par les deux propriétaires de la ferme de l’Est. Oui, il y a une cause, il y a forcément une cause. La haine ? La folie des tueurs ? Non, parce qu’à moins d’être en légitime défense, et la véritable légitime défense est rare, les victimes sont celles que l’on a retrouvé torturées et tuées chez elles. Donc, concentrons-nous sur eux, parce que je ne pense pas qu’ils soient très apaisés.