Ce n’est pas tout à fait la suite du texte précédent. Plutôt, une explication.
L’on trouvera toujours des personnes qui n’aimeront pas nos textes, vos textes, des textes – et moi la première. On a le droit de ne pas aimer, pour des dizaines de raison.
Par contre, je m’insurge fortement quand quelqu’un m’explique ce que j’ai le droit d’écrire, quand j’ai le droit d’écrire, et comment j’ai le droit d’écrire. Cela voudrait donc dire qu’il est des personnes qui ont le droit d’écrire, et pas d’autres. Avantage d’internet : tout le monde peut écrire – et être lu.
Ce que j’ai le droit d’écrire. Même des auteurs connus, reconnus, peuvent avoir des problèmes. On ne pourrait écrire que ce que l’on a vécu. Cela restreint le choix des possibles, le choix des sujets, et si demain, passionnée par le thé, je me mettais à écrire sur :
– l’origine du thé ;
– l’arrivée du thé en France ;
– un marchand de thé de nos jours… j’aurai parfaitement le droit. Oui, le thé n’est pas un sujet sensible, je m’en doute, mais il m’amène à la seconde partie de mon article : pour écrire sur le thé, il faudrait que je me documente. Donc, s’il me prenait l’envie de créer un personnage trans ou non-binaire, il faudrait que je me documente aussi, pour éviter de dire et d’écrire n’importe quoi. Oui, je parle des « sensitive readers », qui ne sont certainement pas les censeurs que l’on présente parfois, mais des personnes qui évitent de faire des gaffes !
De même, il est maintenant des avertissements dans certains livres, et cela peut faire sourire des lecteurs. Il faut s’endurcir ! On voit bien pire à la télévision ou sur internet.
Nous pouvons lancer un nouveau débat : pourquoi une génération de films ou de séries télévisées a banalisé à ce point la violence ? Pourquoi le viol, la torture, sont devenus des péripéties comme les autres, qui ne laissent aucune séquelle sur personne ? Pour ma part, je n’écrirai pas ce que je n’ai pas envie de lire. Je pense aussi aux innombrables scènes d’autopsie mises à la mode depuis déjà vingt ans. Lisez Indridason et ses rapports d’autopsie, cela vous changera votre vie littéraire.
Quand j’ai le droit d’écrire. Il est des moments qui seraient plus propices que d’autres, pas à chaud, plutôt à froid. Attends, il vient de se passer cela, n’écris pas ! Quand l’on vit des choses dures, on a parfaitement le droit d’en parler, à froid, à chaud, en prenant des pincettes, sans en prendre. On n’est pas dans le roman, on n’est pas entièrement dans l’autobiographie, mais si quelque chose doit sortir, eh bien que cela sorte, peu importe la forme, y compris si vous éprouvez le besoin, comme moi, de faire de l’humour noir (ou comment faire hurler de rire une classe avec une histoire de fleurs coupées). Que ce ne soit pas le bon moment pour vos lecteurs, ce n’est pas grave, tant que c’est le bon moment pour vous.
Le moment et la manière. Oui, ce fameux « comment » dont je parlais au début de cet article. Il est des personnes qui expliquent comment elles écrivent, donnent des conseils, j’ai envie de dire « humblement ». Moi, je fais ainsi, mais vous, cela ne fonctionnera peut-être pas. Il est des auteurs qui ont besoin de savoir comment leur texte/roman se terminera, qui dressent des plans très précis, du contenu chapitre par chapitre. Il en est d’autres qui écrivent et ne savent pas du tout comment se terminera leur roman. Je suis la première à être bien ennuyée avec cela, moi qui ai vu un personnage secondaire de mes récits devenir un protagoniste principal. Puis, il est ceux qui disent « il faut faire comme cela, et pas autrement ». Ceux-là expliquent aussi qu’il faut écrire assis/debout (couché non, surtout pas, c’est très mauvais), le matin, le midi, le soir, la nuit, pas plus d’une heure par jour, toute la journée, etc, etc… et si ce n’est pas fait ainsi, et bien, ce n’est pas bon. Merci de ne pas décourager des aspirants auteurs, des futurs auteurs, des jeunes auteurs avec l’idée que, si l’on ne fait pas ainsi, l’on n’y arrivera pas. Ecrivez, écrivez comme vous le sentez, comme vous le voulez, mais surtout, écrivez.
J’oubliai : écrire pour aller bien. Voici presque trente ans, un tout jeune auteur disait : « écrire est une souffrance », et détaillait à quel point écrire lui faisait mal. Oui, écrire peut ne pas être facile, écrire n’est pas facile. Mais j’ai littéralement mis de côté un début de texte, qui étaient pourtant jugés par des lecteurs très bons, parce que les écrire m’avaient trop fait souffrir – même s’ils n’avaient rien d’autobiographique, même s’ils ne m’avaient pas valu des heures et des heures de travaux. Le personnage qui apparaît dans ces deux courts textes apparait pourtant dans d’autres écrits – depuis. Peut-être un jour viendrai-je à bout de son histoire.