
Mon résumé : Perceval s’est lancé dans une entreprise hasardeuse, ouvrir des chambres d’hôte au Tas de Pierre, surnom donné au château familial. Les réservations ne se bousculent pas, au point qu’il a décliné la proposition de sa soeur qui voulait l’aider pour l’inauguration.
Alors que Perceval avait presque renoncé à son idée brillante, une réservation arriva. Une ! Il en demeura pantois. Surtout quand il vit le nom. Un écrivain fort connu, dont Gladys, la plus raisonnable de ses filles était l’attachée de presse.
« Nous sommes désespérés, il ne parvient pas à écrire le dénouement de son dernier roman. Par contre, il est assez spécial.
– Je lis ça, grommela Perceval.
Dans sa lettre de réservation, le grand écrivain – nommons-le Jules César, par discrétion – assurai que le caractère délabré du château, son isolement au milieu des landes hostiles et l’absence quasi-totale d’estivants lui permettraient de mener sa tache à bien. Cette aventure humaine méritait d’être tentée.
Il était arrivé au château à la nuit tombée, avait ouvert grand la bouche, l’avait refermée et était entré dans le Tas de pierre.
– J’ai l’estomac fragile, annonça-t-il, je suis un régime particulier, le haggis m’est fortement déconseillé.
– A moi aussi, répondit Perceval.
– J’ai peur des fantômes.
– Ils ont posé leur RTT.
– J’aimerai me réveiller avec le soleil.
– Votre chambre est dans le sens désiré, ne vous inquiétez pas. »
En revanche, s’il continuait à vérifier point par point que les instructions données étaient respectées, il connaîtrait bientôt l’étendue de la colère d’un Highlander. Percy se saisit de la valise et lui montra sa chambre.
– Une dernière question : comment entretenez-vous cette propriété ?
– Vous avez vu le hangar à bateau ? demanda Percy d’un ton un peu trop bourru pour être aimable. Il contient aussi une tondeuse.
– Ce n’est pas très écologique. J’aurais imaginé… des moutons.
– Oui, mais pour cela, il faudrait poser des barrières, et ce n’est pas trop mon truc. Et Winston n’est pas un très bon chien de berger. » Percy posa avec délicatesse la valise près du lit, rappela l’heure du dîner et se retrancha dans la bibliothèque, avec une Étude en rouge et son bouledogue pour compagnie.
Contrairement à ses craintes, Percy passa un dîner assez tranquille, et la nuit aussi. Il constata cependant que le grand écrivain avait l’air hagard (du Nord le Viking) au petit déjeuner.
– A ma grande honte, j’ai dormi toute la nuit. D’habitude, j’écris.
– Cela vous a certainement fait du bien. Vous êtes frais et dispos pour votre journée de travail. Vous verrez, notre demeure est très calme. » Surtout quand Calpurnia, la fille ainée (38 ans) était absente. Elle était en train de parfaire sa découverte de l’écriture de roman érotique pour une quinzaine de jours encore.
Jules César s’enferma dans sa chambre, mit un écriteau « privé, ne pas déranger » sur la porte. Quant à , il relut les épreuves des derniers articles de Chasseur de fantômes magazine : « Vampire, le dernier tabou » et « Hanter jusqu’à la déraison : la folie chez les fantômes. » Il eut droit à un calme écossais jusqu’à midi. Un hurlement strident interrompit ses corrections. Il se retourna, vit que James – son père, mort 57 ans plus tôt – et Cécile, sa copine fantôme camériste, étaient toujours assis sur le sofa, légèrement courroucés par tant de vacarme, puis il prit la liberté d’aller frapper à la porte de Jules César. Il fit bien. Le grand écrivain lui ouvrit en claquant des dents.
– Venez voir. Là ! C’est hallucinant.
– Non, c’est un fantôme, précisa Perceval
Il n’avait aucun doute sur la nature de la forme blanchâtre qui planait au-dessus du lac. Et le grand écrivain non plus, qui courut se réfugier dans le placard.